Le cinéma en CPGE au lycée Berthollet d'Annecy

L'OPTION " ETUDES CINEMATOGRAPHIQUES " au LYCEE BERTHOLLET (CPGE) d'ANNECY (74) offre une formation à la fois théorique et pratique en HYPOKHAGNE et en KHAGNE. En première année, les élèves sont invités 4h par semaines à découvrir le cinéma comme art (à travers des cours magistraux d'histoire et d'esthétique du cinéma, la fréquentation d'oeuvres en salle, des participations fréquentes à différents festivals et événements culturels régionaux) et comme pratique (grâce à la réalisation de formes courtes - du scénario au montage - et aux rencontres favorisées avec des professionnels du monde de l'audiovisuel). Les élèves qui poursuivent l'option en Khâgne-Cinéma, à raison de 4h hebdomadaires, approfondissent à travers le double programme limitatif visant la préparation au concours de l'ENS-LSH, un pan historique (un mouvement cinématographique, l'oeuvre d'un auteur...) et un pan esthétique du cinéma (le comique, la couleur, le corps...). Ils poursuivent également leur démarche pratique à travers des projets de réalisations évolutifs.

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RAPPORT JURY ENS 2012

à l'attention des KHAGNES : 

RAPPORT DE JURY
 de l'EPREUVE ECRITE DE CINEMA
 au CONCOURS de l'ENS-LSH (session 2012).

Rappel du sujet : « Que peut le corps au cinéma ? (corps filmé, corps filmant, corps du spectateur) »

Dans l'ensemble les candidats ont fait preuve d'une bonne maîtrise de l'exercice. La nature théorique, ou d'inflexion philosophique, du sujet pouvait laisser craindre – et certaines copies ont commis cette erreur – que les dissertations deviennent un travail plus philosophique que cinématographique. Or, majoritairement, et l'on s'en félicite, les candidats ont développé une véritable réflexion fondée sur le cinéma, qu'ils ont su articuler avec les concepts réclamés par le sujet. À ces qualités méthodologiques il faut ajouter la bonne culture générale des copies et une certaine souplesse dans la relation entre les idées et les exemples. On rappellera toutefois de bien veiller à construire une réflexion dialectique, progressive, et qui ne se contente pas de décliner les termes du sujet partie après partie sans les mettre en rapport, chaque partie devant introduire une hypothèse concernant le sujet dans sa globalité. Ce défaut s'est retrouvé dans les copies assez souvent pour que nous le signalions comme un point critique restant à améliorer. En outre, le traitement d'un sujet, quel qu'il soit, ne saurait être exhaustif : il faut dès lors adopter un angle sur le sujet que l'on justifie, et le parcourir ensuite en plusieurs moments qui, chacun, articule les trois dimensions du sujet. Celui-ci réclamait un examen et une articulation entre le corps filmé, le corps du spectateur et le corps filmant. Les deux premiers aspects ont été, avec des bonheurs divers, bien envisagés par les candidats et assez largement traités, aussi bien dans leur dimension propre (corps de l'acteur, échelle de plans appliquée à la star, impact du film sur la perception sensorielle du spectateur, relation entre deux corps par l'intermédiaire d'un art abstrayant) que dans leurs interactions. En revanche, l'on s'étonne et l'on regrette qu'une large majorité des candidats aient manqué l'analyse du corps filmant. De fait, seules quelques copies s'attaquaient à la question de la trace du corps dans l'acte de filmer, de la perception d'un corps dans les mouvements de caméra ou le cadrage. Et parmi ces copies, très peu se montrent capables d'articuler esthétique et technique en réfléchissant sur le rapport entre le cinéaste-créateur et son cadreur (en particulier dans le cas de la steadycam qui dessine une chorégraphie physiquement palpable de l'image filmée, ou des cinéastes qui cadrent eux-mêmes comme Steven Soderbergh, Claude Lelouch, Patrice Leconte…). Autre lacune technique et esthétique, qui réduisait l'approche du sujet : le fait qu’on appréhendait le corps assez largement dans sa dimension visuelle, mais presque jamais – à l’exception d’une copie citant La Voix humaine de Rossellini – dans sa dimension sonore. Or l'existence cinématographique du corps et sa perception reposent tout autant sur la voix, la mise en scène sonore des gestes et des mouvements, par la palette sonore. Cette lacune majeure reflète d'ailleurs l’oubli, plus large et récurrent, de la nature sonore et musicale du cinéma, qui reste toujours le parent pauvre de la réflexion. On attendait aussi des développements sur les relations entre le corps et les nouvelles technologies, des caméras numériques qui filment aux effets numériques qui créent des corps nouveaux. Et là encore, les analyses sur ce point, entre technique et esthétique, ont donné des résultats trop limités. La plupart des analyses se sont concentrées sur le réalisme immersif qui autorise une appréhension juste mais conventionnelle du corps filmé. La relation entre ces trois dimensions du corps se cristallise dans la question contenue par le sujet : « Que peut le corps ? » Les meilleures analyses ont exploré les puissances propres et les limites du corps dans son action sur les autres corps, par rapport à la caméra et dans l’impact sur le spectateur. C’est cette action, cette dynamique contenues dans le verbe « pouvoir » qui distinguait le sujet : non seulement les qualités propres du corps cinématographié, mais ses qualités actualisables (ses puissances) et leur actualisation dans les formes d’action, le mouvement du montage et de la caméra et la manière d’influer sur le public – au demeurant l’aspect le mieux traité. Nous avons apprécié les développements sur le cinéma pornographique, sur le cinéma d’horreur, mais, outre ces deux extrêmes, nous déplorons un peu l’absence d’une réflexion plus fine sur la dimension d’expérience cinématographique. Si l'on doit se féliciter de la maîtrise des références dont témoignent les copies, et si chaque grande entrée sur le sujet (le corps classique et la star, le corps moderne et sa résistance aux classifications…) s'est vue traiter avec les références théoriques et bibliographiques adéquates (Vincent Amiel, Nicole Brenez, Gilles Deleuze, Raymond Bellour), nous devons mettre en garde les candidats, comme les années précédentes, sur les simplifications historiques abusives. Ainsi, la quasi-totalité des analyses sur le corps des stars, à l'âge classique du cinéma, s'est-elle accompagnée de considérations extrêmement restrictives, voire inconséquentes, sur l'aspect inaccessible, désincarné ou privé de sensualité du corps dans le cinéma classique, à l'exception du burlesque. Si la familiarité des candidats avec la question de l'animation a permis des développements intéressants sur le rapport entre le cartoon et le corps classique, l'on doit déplorer l'absence de perspectives sur l'érotisme, la sensualité, et l'incarnation dans un cinéma classique toujours aussi méconnu des candidats et réduit à quelques clichés sur la convention, le conservatisme, la censure : le cinéma classique reste perçu comme une période monolithique en attente de la modernité, telle que la théorisera la critique française. Cette modernité étant elle-même souvent appréhendée exclusivement dans sa dimension franco-française. Comme l’an passé, nous devons hélas constater que les notions de « modernité », « post-modernité » ou « classicisme » sont utilisées comme des formules toutes faites, sans être définies ou creusées… De même, nous constatons que la plupart des réflexions, bloquées dans l’idée que l’existence filmique du corps commence avec la modernité, se condamnent à une approche univoque de la notion centrale et se privent de tout un pan de cinéma qui donnerait souplesse, respiration et variété au propos. De trop nombreuses fautes d’orthographe et barbarismes diminuent la qualité des copies et restent inacceptables à ce niveau de formation. Signalons aussi la trop grande quantité d'erreurs historiques qui trahissent une méconnaissance assez générale du cinéma avant 1960. Rappelons également qu’il vaut mieux un bon exemple analysé avec précision qu’une collection d’illustrations d’une idée. De plus, on encourage les candidats à faire preuve d’une culture plus variée et d’exemples plus personnels. Si l’on ne peut que saluer l’utilisation des connaissances développées en cours, regrettons la monotonie de certaines références déclinées de manière mécanique (Dwoskin utilisé de manière épuisante). En études cinématographiques comme dans les autres disciplines artistiques, les jurys d’écrit et d’oral ont pour objectif de recruter de futurs enseignants et/ou chercheurs informés de la pratique de leur art. Il demeure donc essentiel que les candidats réfléchissent et mûrissent leur engagement dans une formation d’excellence aux métiers de l’enseignement et de la recherche.

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